La résidence principale : un bunker imprenable
La loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (loi MACRON) a été adoptée le 10 juillet 2015 (après application de l’article 49 al 3 de la Constitution). Le Conseil Constitutionnel a été saisi mais nous pouvons d’ores et déjà vous exposer une des mesures qui vise à systématiser la protection de la résidence principale des professionnels.
Exercer en individuel ou sous couvert d’une structure sociétaire sans responsabilité limitée, c’est faire courir un risque sur son patrimoine personnel au cas de difficultés.
Les dispositifs existants
Afin de protéger les exploitants individuels, les pouvoirs publics ont créé (loi Dutreil du 1er août 2003), la déclaration notariée d’insaisissabilité (art. L526-1 à L526-3 du Code de commerce) offrant une protection de la résidence principale.
La protection a ensuite été étendue à tous les biens fonciers non affectés à un usage professionnel (loi LME du 4 août 2008).
Puis il y a eu le statut de l’Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) adopté par la loi du 15 juin 2010 (loi 2010-658) entré en vigueur le 10 décembre 2010 (article 1655 sexies du Code général des impôts). L’EIRL permet à l’exploitant individuel de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel par une déclaration d’affectation du patrimoine professionnel au greffe du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance qui devient ainsi le seul gage des créanciers professionnels.
Ces deux « outils » n’ayant pas eu le succès escompté (coût du recours à un notaire, méconnaissance des risques encourus au cas de difficultés…), la protection automatique de la résidence principale a été envisagée.
Déjà évoquée dans le cadre de la loi Pinel, c’est avec la loi Macron que cette mesure va voir le jour (article 55 ter de la loi) avec la réécriture de l’article L 526-1 du Code de commerce.
Que dit cet article ?
Les droits que détient une personne physique (immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante) sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.
Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.
Par ailleurs, il est toujours possible de recourir à la déclaration d’insaisissabilité pour protéger ses droits sur tout bien foncier (bâti ou non bâti) non affecté à usage professionnel. Cette déclaration n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.
Lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
Remarque
L’insaisissabilité n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du Code général des impôts.
La systématisation de la protection de la résidence du professionnel est de nature à sécuriser l’exercice de l’activité professionnelle. La protection du patrimoine reste parfois encore, à l’égard de certains créanciers (notamment les banques), illusoire.
Compte tenu de cette évolution, on peut s’interroger sur le devenir des EIRL…