Demander un rescrit fiscal : une précaution utile mais pas infaillible
De nombreux professionnels sollicitent auprès de l’administration un rescrit fiscal afin de s’assurer qu’ils remplissent les conditions d’application d’un régime fiscal de faveur. Mais l’administration peut abroger son rescrit en cas d’erreur d’appréciation sur la situation du contribuable, comme l’illustre un arrêt rendu au sujet du régime d’exonération des zones de revitalisation rurale (ZRR)1.
LES FAITS
En l’espèce, un kinésithérapeute installé en Lozère avait saisi l’administration fiscale d’une demande de rescrit pour savoir si, à compter de sa prochaine installation dans l’Aveyron, il pourrait bénéficier du régime d’exonération de la ZRR.
Par une décision valant prise de position formelle, l’administration lui avait répondu en 2013 qu’il était éligible à cette exonération, tout en rappelant que son appréciation « n’a de valeur que si la situation de l’entreprise est conforme aux données de fait communiquées et ne se trouve pas modifiée ultérieurement ».
À l’issue d’une vérification de comptabilité des exercices clos de 2013 à 2015, le vérificateur avait notifié en 2016 à ce praticien sa décision selon laquelle :
> son installation professionnelle en Aveyron ne constituait pas une création d’entreprise, mais un transfert d’activité non éligible au régime de faveur. En effet, son cabinet avait été « seulement déplacé de 18 km […] en gardant la même zone géographique d’intervention, la même clientèle et la même forme juridique d’exploitation ». On rappelle que, contrairement à la règle applicable dans le cadre du régime des zones franches urbaines (ZFU), les transferts d’activités en ZRR n’ouvrent pas droit à l’exonération ;
> le rescrit rendu en 2013 était abrogé par sa présente décision. Par conséquent, cette décision faisait obstacle à l’application de l’exonération pour l’avenir, sans remettre en cause l’exonération des bénéfices des exercices vérifiés (2013 à 2015).
LA SOLUTION RENDUE
Le contribuable ayant porté l’affaire au contentieux, il est débouté en première instance, puis en appel. La cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux considère en effet qu’ « aucune disposition législative ou règlementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l’administration abroge une prise de position qu’elle a prise antérieurement après avoir estimé que le contribuable ne remplissait pas les conditions lui permettant de prétendre à une exonération d’impôt ».
La CAA confirme ainsi la doctrine administrative selon laquelle « une réponse erronée de sa part vaut prescription anticipée au profit du contribuable à compter de la date de cette réponse et jusqu'à ce que l'intéressé ait été officiellement avisé que la position donnée antérieurement comportait une erreur » (BOI-SJ-RES-10-10-20, n° 410).
Cette solution a été rendue pour l’application du régime d’exonération en ZRR, mais le raisonnement appliqué par la CAA peut être étendu à l’ensemble des rescrits émis par l’administration fiscale dans le cadre de la procédure générale de rescrit (LPF, art. L. 80 A et L. 80 B), notamment ceux concernant le régime de faveur des ZFU.
1 CAA Bordeaux, 1er décembre 2020, n° 18BX03203.